La main est toute proche, elle excède le cadre. Elle porte en son creux une étrange baie rouge. Rouge comme le soleil, ce soleil que l’on suppose sombrer dans la mer au-delà de la montagne, cette montagne qui au loin épouse la courbe du fruit avant de vaciller dans la nuit qui approche. Le proche et le lointain ? Le flou et le net ? Le clair et l’obscur ? S’agit-il seulement de cela dans cette image et dans les autres ?: Dans ces petits galets, par exemple, tenus au bout des doigts devant la mer, sombres devant le ciel et clairs devant le sable (ou le contraire…) ; dans ces doigts qui frayent notre regard entre les arbres ; ou enfin last but no least, dans cette main, rien que cette main, devant l’horizon indistinct ?
On se souvient qu’il y a quelques siècles, les inventeurs de l’optique géométrique, tout à la fois anatomistes, mathématiciens et physiciens nous avaient appris les lois de l’œil et celles de la camera obscura. Ou comment les rayons lumineux émis par un objet traversent une lentille et forment une image au point de converge de ladite lentille.
Mais ici quid de l’objet ? De la lentille ? De l’image ? C’est comme si notre cristallin était projeté dans une zone indéterminée et invisible, située entre le proche et le lointain, invisible puisque cachée par cette main qui se trouve, quant à elle à la place de notre rétine. Quant à l’objet au-delà de la main, loin, très loin, le plus souvent flou et impalpable, nous n’en percevons pas grand-chose; presque rien.
Rien ? Ou plutôt tout !
Puisque la surface de la main, en un geste, en recueille la part invisible.
Et que ce geste devient la geste poétique qui nous conte les exploits de notre regard.
Alain Moreau, à propos des images d’Anne Philippe.
2005. Exposition photographique. Galerie Louise Michel. Commissaire d’exposition : Dominique Truco.
Conteneur de 40 pieds (12 m), installation vidéo
Sur les lieux de construction de la frégate L’Hermione à Rochefort est installé Bobun, réplique contemporaine des vaisseaux de guerre voyageant par la mer et reliant les continents. Bobun est un dispositif de captation vidéo qui fait transiter des fragments de vies d’histoires portuaires, d’une escale à une autre.
2001. Sculpture-vidéo. Philippe Anne, Gillard François. Production & diffusion : Corderie Royale, Rochefort.
En 1894, Émile Reynaud réalise Autour d’une cabine, un des premiers films d’animation de l’histoire du cinéma. Autrefois, les cabines de plage étaient mobiles, elles étaient aussi munies d’un siège pour pouvoir admirer le paysage. En inversant la cabine, l’intime devient extime, le paysage s’anime en se réfléchissant dans un miroir en bande qui fait le tour de la cabine, à hauteur des regards. À l’intérieur de la cabine est projeté le film d’Émile Reynaud Autour d’une cabine.
2002. En collaboration avec François Gillard. Sculpture-vidéo itinérante. Production & diffusion : La compagnie Hors de Soi, Dieppe